20/01/2010

GROS PLAN SUR UN SERVITEUR DU SPORT

Ancien coureur cycliste renommé, dirigeant sportif, humaniste, citoyen passionné et engagé, homme de cœur... tels sont les principaux qualificatifs permettant de présenter Jacky Bouteiller.

Ce fan de Jean Ferrat, dont il possède la discographie complète, nous a accordé une interview sur son parcours où la bicyclette et le sport tiennent un rôle essentiel, sans omettre Huguette, son épouse et fidèle soutien.

- Quelle enfance as-tu connue ?
Je suis né le 1er aout 1934 à Troyes, rue Célestin-Philbois situéedans le Quartier Bas, dans une famille de 6 enfants : 4 garçons et 2 filles. Malade, ma mère fut hospitalisée dans un sanatorium. Ainsi, je me suis retrouvé placé, durant toute la durée de la guerre, par l’Assistance Publique, chez madame Brice, domiciliée à Le Breuil. Cette dame, dont le mari est décédé en déportation, était « dure », mais brave et attentive à la propreté et à notre alimentation.

- Peux-tu évoquer ton parcours professionnel ?
J’ai débuté, à l’âge de 14 ans, comme apprenti mécanicien cycles à Troyes. Mon employeur, également marchand de vélos, était aussi dirigeant d’un club affilié à la FSGT. Je fus, avant d’être recruté par la ville de Romilly comme employé communal, mécanicien cycles, apprenti bonnetier puis bonnetier. Dans notre ville, j’ai exercé les fonctions de concierge au lycée, puis géré le matériel scolaire destiné aux écoles et enfin, après un stage à l’Institut National des Sports, intégré l’équipe du stade municipal où j’ai terminé ma carrière comme agent de maîtrise. J’ai ainsi travaillé de 14 à 60 ans avec comme seule interruption, mon service militaire effectué à Romilly.

- Quelques mots sur ta famille ?
Je me suis marié avec Huguette, née Mangot, en 1954. Nous avons 4 enfants : Yves, Francis, Anne-Lise et Dany et le bonheur d’être les grands-parents de 4 garçons et 6 filles.

- Peux-tu me rappeler tes premiers coups de pédales ?
La dame, qui m’avait en garde durant l’indisponibilité de ma mère, possédait un vélo de femme qu’elle me confiait pour me rendre à la pharmacie la plus proche située à Ervy-le-Chatel. Ensuite, avant d’être apprenti, j’utilisais la bicyclette de ma mère pour effectuer des randonnées.

- Quelle fut ta carrière de coureur cycliste et ton palmarès ?
Première licence en 1949 au Club Omnisports de la Métallurgie, affilié à la FSGT. En 1960, pour des raisons professionnelles je quitte Troyes pour Romilly et adhère au Gazélec puis à la Prolétarienne, ensuite à l’USMR devenue RS10, club dont je suis toujours adhérent. J’ai arrêté la compétition en 1972, à l’âge de 38 ans, pour assumer entièrement mon rôle de dirigeant.

- Combien de victoires à ton actif ?
Je n’en connais pas précisément le nombre, mais surement plus d’une centaine dont plusieurs fois le titre de champion de l’Aube sur route et en vitesse.

- Quelle est, à tes yeux, la plus belle de toutes ?
Le prix Buck, épreuve de 120 km avec la participation de coureurs de la Côte d’Or, de la Haute-Marne, de la région parisienne, etc. Je l’emporte alors que je ne suis âgé que de 16 ans. Autre victoire à laquelle j’attache aussi beaucoup de valeur et d’importance : « le Prix du Souvenir » à Chenôve (21), course organisée à la mémoire des Déportés. Je termine vainqueur de ma catégorie et mon frère André gagne en cadets. Ensemble, nous avons déposé nos gerbes au monument aux morts.

- Quelles étaient tes principales qualités de coureur ?
Sprinter et rouleur, j’étais beaucoup moins à l’aise dans les côtes.

- Que t’a apporté la pratique de ton sport favori ?
Coureur pendant 23 ans et dirigeant depuis 50 ans, le sport en général et le cyclisme en particulier, ont donné un sens à ma vie et m’ont incité à participer à la vie associative. J’ai eu le bonheur de travailler, notamment à la FSGT, avec des hommes exceptionnels tels que René Moustard.

- Comment vois-tu l’évolution du cyclisme ?
Je suis assez pessimiste sur le développement du cyclisme de compétition. Ce sport attire peu de jeunes ; le vélo demande beaucoup de sérieux et de sacrifices avec un entraînement régulier. Il impose beaucoup de « souffrances » et une hygiène de vie rigoureuse. Le coût de l’équipement, minimum 800 €, est aussi un frein important. La pratique de cette discipline présente aussi quelques dangers et les parents hésitent à laisser leurs enfants s’entraîner sur des routes où ils côtoieront d’autres utilisateurs susceptibles de représenter un danger. Nous souffrons aussi d’une contre-publicité liée aux problèmes de dopage. L’avenir du vélo penchera, selon toute vraisemblance, dans une activité de loisirs. A 75 ans, je me contente de rouler, entre 50 et 60 km, tous les 3 jours.

- Tes enfants assurent-ils la relève ?
Tous ont pratiqué ce sport, mais celui qui a été « vacciné » par un rayon de bicyclette, c’est Dany qui a pris mon relais. Parmi mes petits-enfants, seul Nicolas, âgé aujourd’hui de 26 ans, s’est un peu lancé dans le vélo.

- Suis-tu le Tour de France et autres grandes « classiques » ?
A la télévision, je ne rate aucune étape du Tour de France et suis aussi les grandes classiques telles que Paris-Roubaix... Je regrette le business du sport professionnel, source de « magouille », doping...

- Quel autre sport a tes faveurs ?
Je suis un fanatique de la boxe. Sa culture physique est identique à celle du cyclisme. Il faut beaucoup de courage pour pratiquer ce sport très dur. Les professionnels devraient être harnachés comme les amateurs et je regrette que les arbitres arrêtent trop peu de combats avant le K.O.

- Quel regard jettes-tu sur l’évolution du sport en général ?
La commercialisation prend le dessus, on marginalise le sport populaire et de « masse », pourtant détecteur d’athlètes de haut niveau. On s’oriente vers un sport « spectacle » et le sport loisirs risque malheureusement d’être, à l’avenir, attribué au privé. Le sport amateur risque de connaitre de graves problèmes avec les réductions, sous l’égide de l’Etat, des subventions envers les clubs, comités, fédérations... et les suppressions des directions départementales Jeunesse et Sport, d’un CREPS sur deux, de postes d’enseignants d’EPS... Ces réductions et suppressions n’ont qu’un seul but : moins de services, de personnel, de financements. Si cette politique va à son terme, on aboutira à moins de sport associatif, des difficultés supplémentaires pour les familles, et à des inégalités accrues dans l’accès au sport.

- A Romilly, le nom de Bouteiller est synonyme de vélo ; quelles impressions te donne cette « gloire », même si elle n’est que locale ou régionale ?
Je n’en suis pas franchement flatté ; je reste modeste, même si, bien évidemment, ce sport, compagnon de toute une vie, m’a beaucoup apporté : rencontres avec des être exceptionnels, déplacements à l’étranger et découvertes de pays tels que : Russie, Tchécoslovaquie, Tunisie, Irlande...

- Peux-tu évoquer tes engagements politiques ?
Ancien membre du PCF, je suis surtout un pacifiste farouchement opposé au recours des armes. De gauche, j’affirmes mes idées, mais pas d’ambiguïté, je reste communiste de cœur ! Un de mes plus grands rêves, la visite de Cuba, s’est réalisé et je n’ai pas été déçu.

- Quelles fonctions as-tu assurées au sein de la FSGT ?
Adhérent à cette fédération depuis mes débuts dans le cyclisme, j’ai contribué à la création d’une commission départementale cycliste dans notre département. Membre du Comité Départemental FSGT, puis Président, j’étais également membre de la commission fédérale de cyclisme FSGT. De nos jours, simple membre de la section cycliste du RS10, je fais partie de la commission des « sages » au niveau fédéral. Tous ces engagements bénévoles m’ont valu l’attribution des médailles de bronze et d’argent de la Jeunesse et des Sports.

- Quel fut le rôle de ton épouse dans ton parcours ?
Essentiel : Huguette, mon épouse, m’accompagne depuis toujours, comme dirigeante d’un sport qu’elle aime véritablement. Elle occupe actuellement les fonctions de trésorière du Comité départemental, secrétaire de la commission cycliste de l’Aube et secrétaire de la section cycliste du RS10, présidée par notre fils Dany. Elle a, en m’épaulant et en me soutenant, apporté énormément à ma « carrière sportive». Je lui dois beaucoup.

- Quelle est ton appréciation sur notre ville ?
Romilly manque cruellement d’animations et perd continuellement des emplois. Elle est peu attrayante et on peut s’interroger sur les critères attirant de nouveaux habitants. Je suis en complète opposition avec la municipalité qui a récemment décidé d'imputer de nouveaux coûts à la charge des associations tels que : location de locaux, matériels... alors que ces dernières sont à l’origine du peu d’activités et d’animations de notre cité.

- As-tu d’autres hobbies ?
Essentiellement, le bricolage : mécanique, peinture, électricité... sans être un expert, je suis « un touche-à-tout ». Je « bricole » également les vélos du club.
Propos recueillis par André DIOT

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Très bien cet interview mais il manque un élément de la carrière de ce grand monsieur du sport : son passage comme Président de l'USMR de nombreuses années.

Jacky y est arrivé à une époque charnière pour le club, la municipalité ne lui voulait pas que du bien et avec sa diplomatie, il a maintenu le cap.

Il reste un dirigeant écouté au sein du RS 10.

C'est un grand bonhomme.

T.H

Anonyme a dit…

Chapeau l'Artiste ! C'est rare de rencontrer dans le sport un couple et ses enfants qui se dévoue corps et âme pour le sport !!!

Anonyme a dit…

Des gens comme ce charmant Monsieur qui ont passé une grande partie de leur vie pour l'amour d'un sport, et par delà pour un idéal, doivent vraiment être peinés de la façon dont ils sont méprisés aujourd'hui par les élus locaux et même nationaux comme cela est évoqué.

Anonyme a dit…

Incroyable cette histoire de faire payer le matériel aux associations.

Il n'a pas été acheté avec l'argent du contribuable ?

C'est la double peine, non ?

STEPH. TA