Notre collectif citoyen a organisé au mois de mai une rencontre avec les habitants de Romilly sur l'avenir du cinéma Eden qui a débouché sur la création d'un collectif de défense.
- L’annonce par la communauté de communes, présidée par Guy Allart, d’autoriser l’ouverture d’un cinéma multiplexe de 6 salles sur la zone commerciale de la Belle-Idée met le cinéma Eden en danger. Cette décision est contraire aux engagements pris lors de la présentation du projet d’aménagements commerciaux sur la seconde tranche de cette zone. Aujourd’hui, nous constatons que cela a été rendu possible car le cahier des charges et le règlement de consultation des promoteurs n’étaient pas suffisamment contraignants. Dès le lancement de la procédure, ceux-ci auraient dû interdire tout transfert d’activité, ce qui aurait rendu non recevables les dossiers ne respectant pas cette règle. Toutefois, soulignons que le projet SORODI pour obtenir l’acquisition des terrains ne comprenait pas la réalisation d’un cinéma multiplexe. Il y a donc rupture de l’engagement initial pris devant les élus de la communauté de communes. Nous nous interrogeons par ailleurs sur le silence de la majorité de ces élus alors que ce dossier se noue d’un mélange des genres entre intérêt public et intérêts privés très préoccupant.
FERMER L’EDEN, C’EST RENIER L’HISTOIRE DE LA VILLE :
- Il fonctionne depuis 1913, n’a cessé d’être amélioré pour s’adapter aux transformations de la technique cinématographique (cinémascope dès 1960, dolby en 1985, son numérique en 1997).
Menacé de disparaître à la fin des années 70, c’est toute une génération qui devait se rendre à Troyes pour regarder les films après la fermeture de 1980. Une vaste réflexion fut menée sur une nouvelle création d’un cinéma. Celle-ci partie de la Maison des Jeunes et de la Culture et de la Jeune Chambre Economique puis gagna l’ensemble de la ville, le conseil municipal s’en empara et profita de la politique d’encouragement au cinéma menée par le Ministre de la culture de l’époque Jack Lang. Celle-ci prévoyait de privilégier la réhabilitation des anciennes salles et le choix se porta sur l’Eden.
- Suivra une belle page des 25 dernières années commencée par la réouverture brillante des salles Carné et Truffaut, le classement de la salle Truffaut en salle d’Art et Essai, et une programmation toujours en prise avec l’actualité ponctuée d’avant-premières et d’événements exceptionnels avec la venue d’artistes et de metteurs en scène de premier plan. C’est d’ailleurs cet esprit qui a présidé aux festivités du 25ème anniversaire du cinéma organisé par cette même municipalité qui veut maintenant le rayer de la carte ! Pour toutes les générations, l’Eden représente un lieu de vie, de rencontres, un loisir, un plaisir. Le cinéma a fait revivre notre ville : la culture cinématographique était à la portée de tous ! Nous sommes en présence d’une structure de trois salles et d’un hall d’expositions. Une salle est mise à disposition d’associations et répond pleinement aux attentes de la population. A cet argument, M.Vuillemin a répondu que le cinéma «
Art et Essai » pouvait être laissé à l’Eden. M. le Maire n’a-t-il pas l’idée de confier la partie rentable à l’espace ludique privé et ce qui ne l’est pas restant au cinéma public ?
Et d’ajouter qu’une autre vocation pouvait être donnée à cet équipement !
FERMER L’EDEN EST UN CONTRE-SENS CULTUREL :
- Il appartient au patrimoine culturel et social de notre ville. Que deviendra-t-il ? S’il ne fonctionnait pas, la réflexion de la ville serait compréhensible. C’est précisément celle-ci qui a été menée il y a 30 ans. Mais aujourd’hui, le succès est acquis et le cinéma couvre toute une palette du 7ème art. On peut être assuré que le multiplexe privilégiera les films « rentables », laissant dans l’ombre les films plus difficiles, notamment ceux diffusés dans le cadre de l’association des cinémas d’art et essai. L’actuel cinéma présente cet avantage de couvrir le cinéma commercial et le cinéma plus exigeant. Notons que le directeur actuel de l’Eden, Patrick Brouiller, est le Président de l’Association du cinéma d’art et essai qui a su faire de l’équipement de l’Eden un outil à la fois commercial et culturel. Le multiplexe a toute chance de ne plus être qu’un outil commercial, dans l’esprit de l’hypermarché voisin.
FERMER L’EDEN EST UN CONTRE-SENS SOCIAL :
- Dans une ville où l’accès aux biens culturels est difficile à la fois pour des raisons sociologiques et économiques, l’Eden a l’avantage de pratiquer des tarifs sociaux, d’organiser des séances ciblées sur des publics particuliers (scolaires, anciens) avec tarifs adaptés. Aujourd’hui, on nous parle d’argent, de promoteurs qui veulent s’enrichir sur le dos des cinéphiles. Mais à quel prix ? Pour tous les amoureux du 7ème art, le grand écran doit rester à la portée de tous ! Nul doute que la promotion de publics dont l’accès au cinéma est freiné par des considérations économiques et sociologiques n’intéressera pas un cinéma à vocation exclusivement commerciale.
FERMER L’EDEN EST UN CONTRE-SENS ECONOMIQUE :
- Le centre-ville se meurt et le cinéma restait un des derniers éléments attractifs. Le rayer de la carte est une aberration économique. Tout se passe aujourd’hui comme si la ville était livrée à la seule loi du marché : on laisse se dévitaliser des quartiers entiers sans chercher à maintenir les équilibres urbains. On torpille volontairement le cinéma qui fonctionnait bien pour un équipement dont la réussite reste hypothétique. Actuellement, L’Eden est financièrement en équilibre précaire avec 70 000 entrées annuelles. Le multiplexe serait rentable avec au moins le double d’entrées. Qui peut parier sur sa réussite ? Le risque est l’ouverture d’un multiplexe, le fonctionnement quelques années soutenu par l’effet de mode et des promotions commerciales, puis fermer, faute de rentabilité. Comme entre-temps il aura condamné l’Eden, il n’y aura plus de structure ! Faudra-t-il de nouveau se rendre à Troyes, à Sézanne ou à Nogent ? Attachés à la diversité, à l’échange, aux valeurs de solidarité, nous pensons que le cinéma Eden doit vivre, les moyens de son existence doivent être assurés, c’est une exigence essentielle qui doit être entendue. Il appartient désormais aux habitants de notre région et aux cinéphiles de se mobiliser afin que le rideau ne tombe définitivement sur l’écran des salles de l’Eden. 1500 personnes ont déjà rejoint le collectif de défense de l'Eden, des initiatives verront le jour à la rentrée de septembre.
Dany Bouteiller