15/07/2015

GRECE : "C'EST UN DÉFI DE RÉSISTER A CES PRATIQUES COLONIALISTES"

Interview de Pierre Laurent au journal l'Humanité du 15 juillet 2015.

Pour le secrétaire national du PCF et président du Parti de la gauche européenne, « un front social et politique européen d’une ampleur tout à fait inédite  » est plus que jamais indispensable.

François Hollande s’est félicité d’avoir évité le Grexit, la France a-t-elle joué à plein son rôle  ?
Pierre Laurent : Non, la France est entrée très tardivement dans la négociation après avoir laissé pendant des mois la Grèce seule face au chantage des financiers. Elle a ensuite agi pour éviter le Grexit, c’est vrai. Mais sans empêcher un accord que les Grecs ont payé au prix fort dans des conditions draconiennes portant atteinte à leur souveraineté. Les Allemands voulaient depuis le début le Grexit et, ne l’obtenant pas, ils ont voulu punir le peuple grec. La France aurait dû s’élever avec beaucoup plus de vigueur contre ces conditions qui sont une honte pour l’Europe démocratique.

Cet accord est-il viable alors qu’il renforce l’étau de l’austérité  ?
Pierre Laurent : Cet accord écarte le Grexit et maintient, sous conditions, la possibilité de refinancement de la Grèce. Mais il met également en place de nouvelles mesures d’austérité et une mise sous tutelle qui vont à l’encontre de la nécessaire relance productive et sociale du pays. Les dispositions qui y figurent sont injustes, contre-productives économiquement et profondément contestables démocratiquement. Le premier ministre grec, qui a résisté au chantage au Grexit, a empêché l’Allemagne de parvenir à ses fins sur ce point. Ne sous-estimons pas le cauchemar que cela aurait été pour la population grecque et l’ensemble de l’Europe. Ce n’est pas pour rien que l’extrême droite se frotte les mains en attendant la réalisation de ce scénario catastrophe. Mais en contrepartie l’Allemagne a exigé un prix inhumain et scandaleux. C’est un défi de résister à ces pratiques colonialistes pour tous les peuples européens.

Que défendront les communistes lors du vote sur cet accord, cet après-midi  ?
Pierre Laurent : Nos groupes parlementaires se réunissent ce matin pour en décider*. Ce choix tiendra compte de deux exigences. D’abord, de l’impératif de solidarité à l’égard du peuple grec, de nos camarades de Syriza et d’Alexis Tsipras. Mais il doit être clair que nous ne pouvons soutenir le contenu d’un accord qui a été conçu par les dirigeants allemands en tout point pour humilier le peuple grec. Nous chercherons au Parlement à faire entendre le plus clairement possible cette voix en appelant les Français, la France et, au-delà, toutes les forces démocratiques européennes à redoubler d’effort pour la refondation démocratique de l’Union européenne et l’émancipation de la tutelle insupportable des marchés financiers.

* Les élu-e-s PCF/Front de gauche ont annoncé mercredi en fin de matinée qu'ils voteront contre le texte d'accord. "C'est un mauvais accord, désastreux pour l'avenir de la Grèce", a déclaré à la presse André Chassaigne.

Les dirigeants européens ont voulu donner une leçon à ceux qui estiment qu’une autre voie que l’austérité est possible. Dans ce contexte, comment la bataille pour une Europe solidaire peut-elle se poursuivre  ?
Pierre Laurent : Donner une leçon aux peuples qui relèvent la tête a été pendant six mois l’obsession des dirigeants européens. Ils n’ont jamais cherché un véritable accord tenant compte du vote du peuple grec. Un puissant engagement des peuples européens et la convergence de toutes les forces politiques, syndicales, sociales sont incontournables pour créer le rapport de forces nécessaire à une refondation sociale de l’Europe. Ces dirigeants européens espèrent avec cet accord refermer la parenthèse grecque. Mais, au contraire, la bataille européenne ne fait que commencer et nous devons mesurer qu’elle nécessite pour être gagnée la construction d’un front social et politique européen d’une ampleur tout à fait inédite. C’est dans cet esprit que nous prendrons de nouvelles initiatives et que nous ferons de la Fête de l’Humanité un grand rassemblement de lutte de tous les Européens contre l’austérité.

11 commentaires:

AF a dit…

La dictature de la Troïka, avec l'Allemagne comme "meneur", voilà ce que vont subir les Grecs pendant de longues années. Tsipras avait-il d'autres choix. Les dés étaient jetés depuis des mois, pour que pour la Grèce subisse soit: Le "Grexit" ou une nouvelle couche d'austérité.
Le rôle de la France, n'a été que de se plier aux décisions allemandes. Notre position de faiblesse au niveau de notre endettement, fait que l'Allemagne pour protéger son économie demande de plus en plus de concessions aux autres pays alliés. Notre tour arrivera bien un jour avec une dette de 2000 milliards, soit 95% du PIB.
"Les lendemains meilleurs" ce qu'aiment à dire certains socialistes, contents de la politique de FH, ne sont pas d'actualité, le chômage continue de progresser, la pauvreté s'accentue, les jeunes ne trouvent pas de boulot, les retraités "banquent", la consommation repart parce que les français utilisent leur épargne pour finir les fins de mois.
Plus qu'une seule solution, pour changer cette Europe des oligarques et usuriers, la prise de conscience des peuples que cela ne plus durer comme ça.

Anonyme a dit…

"Notre tour arrivera bien un jour avec une dette de 2000 milliards, soit 95% du PIB."

C'est pour cela que la gauche réclame toujours plus d'embauches de fonctionnaires et des subventions pour tout et n'importe quoi.

"Les lendemains meilleurs" ce qu'aiment à dire certains socialistes"

Rien à voir avec "les grands soirs" promis depuis des décennies par le PCF et ses affiliés ?

Anonyme a dit…

La volonté de défendre l’intérêt du peuple grec qui a eu le courage de se lever -le 25 janvier et lors du référendum- pour crier à la face de l’Europe sa souffrance et son exigence de voir lever le pilon qui l’écrase !

Vive le peuple grec digne et libre.

Et vive Alexis Tsipras dont le courage et la responsabilité politique sont exemplaires.

Le second sentiment, c’est la colère contre la violence de dirigeants de l’UE - au premier rang desquels Angela Merkel et Wolfgang Schauble.

Ils viennent de montrer quels intérêts ils défendent.

Qu’un peuple se lève contre l’ordre libéral et l’oligarchie financière, et ils s’affairent à le soumettre et le punir.

Depuis le premier jour, ils n’ont jamais recherché un accord viable avec la Grèce et ont organisé son asphyxie financière.

Ils voulaient la tête d’Alexis Tsipras.

Le référendum a douché leur tentative de coup de force.

Ils se sont alors acharné jusqu’à la dernière minute à provoquer un « grexit » de fait.

Alexis Tsipras, porteur du mandat de son peuple de rester dans la zone euro et de faire respecter la souveraineté de la Grèce, dans l’UE, s’y est refusé avec juste raison.

Dès lors, leur choix a été l’humiliation et le chantage pour imposer le couteau sous la gorge, un nouveau plan drastique à la Grèce.

Anonyme a dit…

Ces dirigeants et leur méthode sont la honte de l’Europe ! Ils ne servent que les pouvoirs financiers, quitte à s’appuyer sur l’extrême droite. Des millions d’Européens ne l’oublieront pas.

Anonyme a dit…

J'ai une très grande inquiétude pour l’avenir de l’Europe. Elle meurt dans les cœurs et dans les têtes si elle continue ainsi.

Pierre L. a dit…

Des frustrations et des humiliations générées par une telle arrogance et la seule loi du plus fort naîtront des monstres politiques ! Ils grandissent déjà au cœur de l’Europe !

La leçon première à tirer, est l’impérieuse nécessité de la refondation sociale et démocratique de l’UE, et son émancipation urgente des logiques financières qui l’étouffent.

L’accord qui nous est soumis écarte à première vue le « grexit » qui était et qui reste l’objectif des dirigeants allemands.

Alexis Tsipras a dit hier, avec une grande loyauté à l’égard de son peuple, dans quelles conditions il a assumé un accord contraint et forcé, pour éviter ce cauchemar à la Grèce.

Je sais, que devant la brutalité de cet accord, certains en viennent à penser que le grexit ne serait plus qu’un moindre mal.

Je ne le crois pas.

Les Grecs non plus.

Anonyme a dit…

Parce qu’une sortie de la zone euro ferait passer la Grèce de la crise humanitaire à l’hécatombe.

Parce que toutes nos économies seraient déstabilisées.

Parce que c’est aussi une affaire politique et géopolitique qui peut ouvrir le chemin à un nouveau choc des nations.

Regardez comment dans le dos des irresponsables comme monsieur Schauble, Marine le Pen et les siens attendent le « grexit » comme la victoire enfin remportée, qui sonnerait le glas de la solidarité européenne ! Mais l’accord n’a pas réellement levé ce risque en choisissant d’imposer à la Grèce une mise sous tutelle insupportable et de nouvelles mesures d’austérité draconiennes.

Pierre L. a dit…

Joseph Stiglitz, prix nobel, a déclaré : « les efforts demandés à Athènes dépassent la sévérité, ils recèlent un esprit de vengeance ! », comme si le peuple grec devait payer le prix de son insoumission.

Si les exigences des créanciers sont toutes respectées, elles s’avéreront une nouvelle fois injustes socialement et empêcheront les objectifs de redressement productif du pays.

Alexis Tsipras a redit sa volonté de protéger les plus faibles et d’aller chercher de nouvelles recettes fiscales auprès de ceux qui s’enrichissent. Il a redit la nécessité absolue d’investissements productifs pour relancer l’économie et d’allègement du fardeau de la dette.

Mais tout est fait pour l’en empêcher.

Anonyme a dit…

Ainsi en va-t-il du programme démentiel de privatisations. Les rapaces sont déjà à pied d’œuvre.

Vinci est paraît-il déjà sur place pour racheter les aéroports !

Plusieurs engagements financiers sont envisagés par l’accord à la demande de la Grèce :

- un programme de refinancement de 82 à 85 milliards d’euros,
- un rééchelonnement partiel de la dette,
- un plan d’investissement pouvant aller jusqu’à 35 milliards d’euros.

Sans ces engagements, tout le monde le sait, aucune relance ne sera possible ! Or, sous la pression de l’Allemagne, tous ces engagements sont rendus hypothétiques et seront soumis au chantage permanent des créanciers !

Anonyme a dit…

Quant à la France, si le Président de la République a joué tardivement un rôle pour éviter le « grexit », elle a accepté que le prix exorbitant à payer soit fixé par Angela Merkel, qui a dicté, une fois de plus ses conditions.

Anonyme a dit…

Notre intérêt commun, grecs, français, espagnols, européens de toute nationalité est au contraire de pousser au changement dans toute l’Europe, de la libérer des forces libérales et des marchés financiers .

La France doit agir immédiatement pour :

- obtenir le déblocage immédiat des liquidités de la BCE sans les soumettre à de nouvelles conditions

- mobiliser le plus vite possible les 35 milliards d’investissements prévus en engageant sans tarder la contribution de la France et en proposant à d’autres pays de se joindre à la création d’un fonds de développement pour la Grèce qui pourrait préfigurer un fonds de développement pour l’Europe toute entière

- Travailler à concrétiser le rééchelonnement de la dette.