23/06/2019

CONTRAT LOCAL DE SANTE : "UN ETAT SANITAIRE DES LIEUX QUI EST TERRIBLE POUR ROMILLY"


Au Conseil municipal du 22 juin, Fethi Cheikh est intervenu pour le groupe des élu.e.s communistes et partenaires, sur le Contrat local de santé.

“D’abord le contexte dans lequel on étudie ce document : Il y aurait tant de choses à dire… allons au plus court : on a un système de santé qui explose de partout, et des personnels soignants qui sont à bout. Pas un jour, ces derniers mois, sans qu’on n’ait parlé de la situation dans les EHPAD, dans les hôpitaux, dans les déserts médicaux, etc. On recense aujourd’hui en France 1 700 services ou hôpitaux qui font l’objet d’une lutte ou d’un mouvement social. Donc, s’il y a une question à se poser, c’est la suivante : est-ce que le CLS répond à l’urgence de la situation ?

« Une espérance de vie moindre alliée à une surmortalité générale »
L’urgence de la situation, elle est décrite dans le document d’état des lieux, qui est terrible pour Romilly-sur-Seine. Regardez les statistiques et les cartes, elles sont terrifiantes ! Partout, Romilly est en rouge. Je cite « Une espérance de vie moindre alliée à une surmortalité générale », ce qui veut bien dire ce que ça veut dire… mais aussi un accroissement des maladies chroniques, et une surmortalité prématurée par cancers, pathologies liées à l’alcool et le suicide, etc. Partout, Romilly-sur-Seine est sur le podium. On nous présente ces inégalités comme des inégalités presque naturelles, comme si c’était le résultat de la géographie. Mais ces fractures n’ont rien de naturel, rien de géographique, ce sont des fractures de classe : c’est le résultat des politiques menées ces dernières années, en matière d’aménagement du territoire (en fait, de déménagement du territoire), d’abandon de toute politique industrielle, de métropolisation accentuée par la réforme territoriale, de casse des services publics et notamment des services de santé, c’est le résultat de la Loi Bachelot, c’est le résultat de la Loi Touraine ! Donc, c’est d’abord un constat d’échec cuisant des politiques menées ces dernières années. Est-ce que ce CLS rompt avec ces politiques-là ? Est-ce qu’il remet en cause les logiques de concentration, de regroupements, de privatisations, de « rationalisation des dépenses »… qui nous ont amenés à cette situation ? Bien sûr que non, et pour cause.

Il faut bien comprendre le statut de ce document : le CLS, c’est ni plus ni moins la déclinaison, sur le terrain, des orientations nationales en matière de santé. Il est d’ailleurs rédigé par l’ARS (Agence Régionale de Santé), qui n’est autre que le bras-armé du ministère de la Santé pour mettre en œuvre ces orientations dans la Région. Donc il y a un cadre imposé, c’est le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale qui prévoit des réductions supplémentaire des dépenses de santé, dont l’hôpital public. On a même entendu Mme Buzyn oser dire que « 30% des dépenses de l’assurance maladie ne sont pas pertinentes » ! Tout cela, c’est le point de départ… et ça explique tout le reste ! Comment espérer améliorer la situation, si on garde les mêmes logiques, et avec moins de moyens ?

On a un document qui affiche tout un tas de bonnes intentions… la « prévention », « l’éducation à la santé », le « dossier médical partagé », la « coordination des intervenants »… Quand on lit cela au premier abord, c’est joli, comment être contre ? Mais on continue de nous présenter tout ça comme des objectifs… alors que ça fait des années qu’on en parle et que, comme il n’y a aucun moyen nouveau, ça reste un catalogue de bonnes intentions ! Et en plus, on nous enrobe les choses dans un vocabulaire trompeur, où le sens des mots est volontairement détourné : quand on lit « mutualisations », il faut comprendre « recul du service public ». Quand on lit « consolider par contrat les partenariats locaux », il faut comprendre "privatisations" !

Un document opaque
On a aussi un document qui est rédigé de manière volontairement opaque. Et j’affirme que c’est fait exprès, pour que personne ne puisse y retrouver ses petits ! Je ne parle pas uniquement de sa taille, mais surtout de son contenu : si on veut comprendre les implications concrètes de ce document sur notre territoire … elles existent, mais il faut vraiment chercher ! Quelles sont, factuellement, les évolutions de l’offre de soins ? Quelles sont les fermetures de services programmées, pour parler simple ? Tout cela est noyé dans la masse, avec des données globalisées, et j’affirme que c’est fait exprès pour que derrière, une fois que ce document sera adopté et donc « opposable », l’ARS ait finalement toute latitude pour prendre des décisions arbitraires en nous faisant croire qu’on les a validées !

Mais on sait lire entre les lignes. Par exemple, quand on lit sur une toute petite ligne, page 11 : « nouveaux modes d’exercice et de prise en charge, parcours de soins coordonnés [...] solutions de e-santé ayant un impact sur l’organisation et les comportements »… ça veut dire quoi ? Ça veut dire fermeture de services ? C’est cela, la traduction ? On pourrait encore parler d’autres choses, comme le numérique. Toutes ces technologies (la e-consultation, la e-médecine, etc.) sont longuement évoquées et sont certes incontournables. Mais le souci principal est de faire en sorte qu’elles restent au service du malade, et pas au service des groupes industriels qui y voient un marché particulièrement juteux, et qui ont donc intérêt à créer de faux besoins pour l’alimenter !

Comment peut-on envisager de favoriser les « e-parcours », quand plus de 20% de la population n’a pas accès à un ordinateur ou à une connexion internet ? Comment peut-on penser que la télémédecine puisse être la solution aux déserts médicaux, en s’imaginant qu’une consultation à distance puisse être médicalement aussi efficace qu’un rendez-vous physique chez le médecin ? Les nouvelles technologies ne peuvent pas se substituer aux rapports humains, nécessaires en matière de santé, et nécessaires au lien social ! Or elles sont souvent présentées comme une solution aux problèmes de démographie médicale, validant ainsi l’idée d’une médecine à deux vitesses, que pour notre part nous refusons. Donc j’affirme que c’est rédigé de manière volontairement opaque, pour cacher les choses aux gens. Et heureusement qu’il y a des syndicats de salariés et des élus communistes pour dévoiler le pot-aux-roses ! En tout cas, ce sont des méthodes scandaleuses de la part de l’ARS, a fortiori s’agissant d’un document qui est soumis à consultation, et qui est un document qui sera « opposable » ! Cela ne traduit pas un très grand respect de la démocratie ; et c’est assez grave, venant d’une instance aussi officielle que l’ARS.

Facturation du SMUR, forfaits illégaux... "Les bons comportements de santé" commencent par le respect de la réglementation ! 
Et on ose nous parler, dans le document, dans l’axe stratégique N° 2 de « bons comportements en santé »… A de très nombreuses reprises. Déjà, au regard de ce que nous avons dénoncé sur la facturation illégale du SMUR, il faut quand même être sacrément gonflé pour nous parler de « bons comportements en santé » ! Ainsi, j’ai appris il y a deux jours qu’une patiente a reçu du centre des finances publiques de Romilly, un avis de notification à son employeur pour saisie sur son salaire concernant une facture de SMUR impayée… Je me demande comment on peut continuer à se moquer du monde comme ça. M. le maire, lors du conseil municipal du 23 mars, j’ai attiré votre attention ainsi que celle du Conseiller municipal délégué à la Santé et Président du Conseil de Surveillance de l'hôpital de Romilly sur ces pratiques illégales. A ce jour, l’hôpital de Romilly continue de facturer le SMUR. Aucune action n’a été prise pour cesser ces pratiques. On assiste en fait à l’émergence et au développement d’une technocratie de plus en plus autoritaire, doublée d’une bureaucratie tentaculaire ! Donc il faut que notre Conseil municipal se positionne clairement pour mettre un terme à la dérive de la facturation du SMUR et pour mettre un terme à la facturation par la clinique privée du Pays de Seine de forfaits administratifs illégaux. Aussi, compte tenu de la gravité de cette affaire, notre groupe va saisir le défenseur des droits. Nous envisageons de lancer dans les prochains jours d’autres actions pour que cessent enfin les violations de la réglementation et ce qu’il faut bien appeler un vol délibéré et un racket des usagers des services de santé.

A l’inverse de tout cela, un Projet Régional de Santé digne de ce nom devrait partir des besoins de la population… et s’attacher à mettre en face les moyens pour satisfaire ces besoins ! Or c’est ici exactement l’inverse qui nous est proposé : gérer la pénurie, et adapter les moyens existants à des besoins en augmentation. Voilà pourquoi nous pensons, pour notre part, qu’il y a urgence à imposer un moratoire sur toute nouvelle fermeture de service hospitalier, sur tout nouveau recul de l’offre de soins ! Et à l’inverse des nouveaux reculs programmés par le Projet Régional de Santé, il faudrait un plan exceptionnel de rattrapage sur Romilly-sur -Seine, ne serait-ce que pour combler la fracture sanitaire de notre ville par rapport au reste du territoire français ! Fracture sanitaire béante, et illustrée par le document cartographique d’état des lieux.”

Aucun commentaire: